Discours de François Hollande devant l’Assemblée générale des Nations Unies

FRANÇOIS HOLLANDE

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

C’est toujours un honneur de s’exprimer devant l’Assemblée générale des Nations unies. Mais c’est aussi une responsabilité surtout devant l’état grave, inquiétant, que connait le monde.

Je suis devant vous au nom de la France pour lancer plusieurs appels : le premier, c’est de vous demander de tout faire pour mettre en Å“uvre l’accord historique qui a été signé à Paris le 12 décembre dernier. Cet accord était historique parce que la conférence se tenait alors même que la France, Paris, sa capitale, avait été frappée par des attentats terroristes. Cet accord était historique parce que pour la première fois, la communauté internationale rassemblée acceptait de s’engager pour réduire le réchauffement climatique et mobiliser des financements permettant aux pays les plus vulnérables d’assurer la transition énergétique.

Et pourtant devant vous je l’assure une fois encore, malgré le caractère majeur de cet accord, il n’y a pas de temps à perdre. Les deux années qui viennent de s’écouler sont les plus chaudes qu’a connu l’humanité depuis qu’on est capable de mesurer les températures. C’est vrai qu’en avril dernier, ici même, avec le secrétaire général Ban Ki-moon, un accord a été signé avec 175 pays. Mais chacun sait ici qu’il n’entrera en vigueur que s’il est ratifié par 55% des pays représentant 55% des émissions de gaz à effet de serre. Les Etats-Unis et la Chine ont annoncé leur décision de ratifier, c’était très important, et rien n’aurait été possible sans la participation, l’engagement, de ces deux pays qui sont les plus grands émetteurs de CO2. La France, elle-même, notifiera demain aux Nations Unies l’achèvement de sa procédure, mais j’appelle tous les pays qui sont membres des Nations unies à accélérer leur procédure de ratification pour que tout soit conclu d’ici la fin de l’année.

La COP 21 a été la conférence des décisions. La COP 22, qui se tiendra à Marrakech, doit être celle des solutions. Il s’agit de mettre en Å“uvre l’Alliance solaire internationale, de lutter contre la désertification, de protéger les océans, de fixer un prix du carbone. Mais l’appel que je veux lancer ici devant vous, à la suite de cet accord sur le climat, c’est un appel pour l’Afrique. L’Afrique est un continent plein de promesses, mais son développement peut être entravé par le dérèglement climatique, les migrations, les conflits, les guerres, le terrorisme. Ce continent plein d’avenir peut être aussi celui qui provoque une insécurité grandissante dont seraient d’ailleurs victimes d’abord les Africains. Je propose donc au nom de la France un agenda 2020 pour l’Afrique. Ce plan doit permettre à tous les Africains d’accéder à l’électricité. Deux tiers des Africains aujourd’hui en sont privés, c’est une injustice mais c’est surtout une entrave à la croissance durable de l’Afrique. L’enjeu, c’est donc de répondre aux besoins de 15% de la population mondiale. L’enjeu, c’est de permettre aux pays africains de bénéficier d’un potentiel immense de développement. L’enjeu, c’est de réduire les déplacements de populations, c’est-à-dire les migrations, qui déstabilisent à la fois les pays d’origine, mais aussi les pays d’accueil. J’ai donc lancé à Paris lors de cette conférence une initiative pour les énergies renouvelables en Afrique. Dix bailleurs, et je veux ici les en remercier, se sont engagés à verser 10 milliards de dollars d’ici 2020. La France en prendra à sa charge 20%, c’est-à-dire 2 milliards d’euros. L’Europe a décidé d’un plan d’action extérieure qui pourra atteindre, toujours dans cette même perspective d’accès des Africains à l’électricité, près de 40 milliards, qui peuvent être doublés si les Etats membres de l’Union y participent eux aussi. Mon appel est donc là encore à l’égard de tous les pays représentés ici un appel pour rejoindre cette dynamique. Ce n’est pas une solidarité que je sollicite, c’est un investissement mutuel qui sera bénéfique au monde entier que j’appelle ici à ce qu’il soit réalisé au plus vite.

Mais il n’y aura pas de développement de l’Afrique sans que sa sécurité soit garantie. La France, quand je l’ai engagée au Mali, avait conscience de sa responsabilité. Il fallait éviter que les organisations terroristes puissent prendre le contrôle d’un pays tout entier et déstabiliser une région entière. Aujourd’hui, cette menace a été endiguée. Le Mali retrouve son intégrité territoriale. Mais d’autres organisations apparaissent : Boko-Haram, Al Qaïda, et qui là encore mettent en cause la sécurité de nombreux pays de l’Afrique de l’Ouest, du Sahel, du Lac Tchad. Alors, là encore, la France est là pour appuyer les armées concernées pour les former, pour les entraîner, pour échanger de l’information, pour les soutenir dans le combat contre le terrorisme, c’est ce que nous faisons à l’égard du Nigéria, du Niger, du Tchad, du Bénin, du Cameroun, et nous devons encore amplifier cette action avec les Nations unies et avec l’Union africaine.

Mais que les choses soient bien claires. La sécurité des Africains doit venir des Africains eux-mêmes si nous voulons éviter les ingérences et les interférences extérieures. Et l’appel que je lance pour le développement, pour les énergies renouvelables, c’est aussi un appel pour la sécurité des Africains, pour que l’on puisse équiper leurs armées, leur donner les moyens d’agir, et qu’elles puissent, ces Nations africaines, organiser librement, souverainement, leur développement.

Le dernier appel que je veux lancer ici, et peut-être le plus pathétique, concerne la Syrie. Cette tragédie syrienne sera devant l’Histoire une honte pour la communauté internationale si nous n’y mettons pas fin rapidement. Alep est une ville aujourd’hui martyre qui restera dans la mémoire des Nations comme une ville martyre. Des milliers d’enfants sont écrasés sous les bombes. Des populations entières sont affamées. Des convois humanitaires sont attaqués. Des armes chimiques sont utilisées. Eh bien, je n’ai qu’un seul mot à dire : ça suffit. Comme en février dernier, le cessez-le-feu n’aura tenu que quelques jours. Il aura volé en éclats dès le lendemain de son annonce, sans que l’on n’en connaisse d’ailleurs le contenu. Le régime est responsable de son échec et il ne peut pas s’exonérer sur des erreurs qui auraient pu être commises par d’autres. Et je dis à ses soutiens étrangers que chacun connait ici, qu’ils doivent forcer la paix, sinon ils porteront avec le régime la responsabilité de la partition et du chaos en Syrie. Le Conseil de sécurité doit se réunir dans les meilleurs délais, et ne doit pas être un théâtre de dupe, c’est-à-dire un endroit où chacun se renvoie la responsabilité et où certains entravent le travail du Conseil de sécurité pour soi-disant protéger un régime alors même qu’ils doivent chercher avec nous une solution.

La France a quatre exigences. Imposer d’abord de cessez-le-feu, conformément aux décisions qui ont été prises. Ça, c’est le préalable. Ensuite, assurer l’acheminement immédiat de l’aide humanitaire à Alep et aux autres villes martyres. Ça, c’est l’urgence. Permettre la reprise des négociations politiques selon les principes de la transition qui avaient été établis déjà en 2012. Ça, c’est la solution. Enfin, sanctionner le recours aux armes chimiques. Ça, c’est la justice.

Si nous prenons à ce moment-là ces décisions, si nous agissons, il y aura une solution pour la Syrie. Mais il y aura plus qu’une solution pour la Syrie : il y aura enfin un espoir pour les déplacés et pour les réfugiés. Il y aura enfin une action qui permettra d’assurer à la Syrie de garder son intégrité territoriale. Il y aura aussi en Irak, parce que c’est notre volonté, une intervention qui permettra, celle-là, de pouvoir libérer l’ensemble de l’Irak par rapport à ce que Daech occupe aujourd’hui comme territoire. Il y aura enfin, si nous en décidons, une action qui pourra être efficace contre le terrorisme, et évitera que nous puissions connaître encore d’autres attentats partout dans le monde. Je l’ai dit, le risque c’est le chaos et la partition. Ce risque-là existe au-delà même de la Syrie, en Libye. Et l’urgence c’est de rétablir l’Etat autour du gouvernement de Saraj, c’est-à-dire le gouvernement d’union, c’est ce à quoi la France travaille avec ses partenaires et avec les Nations unies.

Mesdames et Messieurs, ne rien régler, laisser faire, laisser aller, c’est faire le jeu des forces qui veulent déstabiliser le monde, et notamment les terroristes. La France ne se résigne jamais, même si c’est difficile, surtout si c’est difficile. Et c’est pourquoi elle a pris l’initiative de contribuer à rechercher une solution au conflit israélo-palestinien. Certes, personne ne peut imposer aux partis une solution. Mais là encore se satisfaire du statu quo c’est prendre le risque, c’est laisser la colonisation une fois encore s’accomplir. C’est donner un fondement insupportable, injuste, inacceptable, à certaines actions de violence. Donc l’objectif c’est de réunir d’ici la fin de l’année une conférence pour qu’Israéliens et Palestiniens soient en capacité et en responsabilité de négocier.

C’est ce même esprit qui m’a animé avec la chancelière Merkel pour trouver une solution pour l’Ukraine. Ce fut l’invention de ce qu’on a appelé le format Normandie, qui a permis à Minsk de trouver un accord. Aujourd’hui, nous devons tout faire pour mettre en Å“uvre cet accord sinon il y aura de nouveau des violences, et peut-être même une guerre, qui reprendra. Je rappelle qu’elle a fait plus de 6000 victimes. Alors j’ai pris l’initiative avec la chancelière d’Allemagne de réunir les Présidents russes et ukrainiens dans les prochaines semaines pour avancer, pour mettre en Å“uvre les accords de Minsk. Nous n’abandonnerons pas cet objectif, nous ne renoncerons à aucune initiative si elle peut être utile.

Mesdames et Messieurs, j’ai évoqué le terrorisme. Il menace tous les pays du monde. La liste est longue d’ailleurs de tous ceux qui ont été frappés. En Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, en Europe. Et je n’oublie pas même l’Océanie. Il n’y a aucun pays qui peut dire qu’il sera prémuni contre ce fléau : le terrorisme islamiste, le fondamentalisme, le fanatisme, qui s’est emparé d’individus perdus dans nos sociétés pour les radicaliser. Aucune mer, aucun mur, ne pourra protéger un pays de ce drame, de cette tragédie, de ce fléau qui s’appelle attentat, attaque, agression. Ce terrorisme prospère sur des conflits qui ont été ouverts et qui n’ont pas été réglés depuis trop longtemps. Il provoque une vague de réfugiés, il bouleverse la donne internationale, les frontières, que l’on croyait établies, le droit, que l’on pensait pouvoir faire respecter, la sécurité collective, qui était le principe même des Nations Unies. Face à ces périls, la France se tourne une fois encore vers les Nations Unies.

Elles ont montré leur efficacité avec l’adoption de l’Agenda 2030 sur le développement, l’accord de Paris, que beaucoup pensaient impossible. Les Nations Unies, qui engagent des opérations de maintien de la paix qui n’ont jamais été aussi nombreuses. Mais si nous voulons éradiquer le terrorisme, si nous voulons agir, il nous faut prendre des décisions, et pas simplement tenir le discours de la solidarité quand une attaque se porte contre un pays ami, ou la compassion à l’égard des victimes. Nous devons prendre des responsabilités chaque fois que c’est utile. C’est ce que fait la France, non pas parce qu’elle est attaquée. Je l’ai dit, tous les pays sont aujourd’hui la cible du terrorisme. Non, la France le fait parce qu’elle est membre permanent du Conseil de sécurité et que son rôle n’est pas de bloquer mais d’agir. La France le fait parce qu’elle a une idée, une grande idée pour le monde, celle qu’elle a toujours par son histoire portée, la liberté, la démocratie, la justice. Parce que la France met sa politique au service d’un but unique : la paix. Et parce que la France parle à toutes les parties prenantes. Parce que la France est une nation indépendante qui respecte le droit. Parce que la France n’a pas d’autres ennemis que les forces de la haine et de l’intolérance qui utilisent une religion trahie pour susciter la peur. Parce que nous devons lutter contre les populistes qui s’emparent du désarroi pour diviser, pour séparer, pour stigmatiser, pour opposer les religions les unes par rapport aux autres, aux risques d’un affrontement qui serait terrible pour la cohésion de nos sociétés. La France est un pays laïc, et qui se revendique comme tel, mais qui parle à toutes les religions et qui assure la liberté de culte en son sein, parce que la France n’a pas d’autre intérêt dans le monde que la stabilité, le développement, et l’avenir de la planète.

Voilà pourquoi la France est aussi attachée qu’elle le démontre chaque jour aux Nations Unies. Je veux saluer le Président de l’Assemblée générale, je veux saluer tous ceux qui se dévouent pour les Nations Unies et à commencer par le Secrétaire général Ban Ki-moon, qui depuis dix ans a mené cette mission difficile au nom de tous et qui a permis que nous puissions avancer. Et voilà pourquoi aussi j’attends des Nations Unies, et notamment du Conseil de sécurité face aux grands enjeux que j’ai évoqués et notamment celui de la Syrie et de la lutte contre le terrorisme, j’attends des Nations Unies qu’elles prennent leurs responsabilités. Il y a un moment pour toute génération, pour tout responsable public, la seule question qui vaille, c’est est-ce que nous avons pris des décisions ? Est-ce que nous avons pris les bonnes décisions ? Ici, il y a des pays de taille différente, de niveau de développement différent, de sensibilité, de conviction différente, mais qui doivent n’avoir qu’un seul but, qu’une seule exigence. Il faut que le monde soit au rendez-vous des enjeux de la planète.

C’est pourquoi j’ai voulu lancer ces appels. Appels pour que nous puissions mettre en Å“uvre l’accord de Paris sur le climat. Appel pour l’Afrique, pour que tous les Africains puissent disposer de l’électricité et d’un niveau de développement. Appel pour la paix en Syrie parce qu’il y a urgence. Voilà pourquoi je crois aux Nations Unies et voilà pourquoi aussi je porte avec la France un message universel.

Merci.